Descriere
Le Concert Hugo Wolf du 25 septembre 1968, dans la grande salle de la Société de Musique de Vienne reposait, tant par sa conception que par son succès, sur la collaboration entre la recherche, le mécenat, Ies organisateurs de concerts et le disque. La Société Inter¬nationale Hugo Wolf (Vienne) est responsable de l’édition critique des œuvres complètes de Hugo Wolf (Wiener Musikwissenschaft-licher Verlag); en 1965 elle a présenté la «Sérénade italienne» dans le tome n° 17/2. Le célèbre musicologue autrichien Dr. Hans Jancik est le directeur de l’édition. La caisse d’épargne centrale de Vienne et son directeur général Dr. Josef Neubauer comptent parmi les mécènes viennois les plus épris d’art; par leur « public-organisation » ils ont su concentrer l’intérêt général sur ce concert qui ouvrit l’automne viennois en 1968. La Société des Amis de la Musique se chargea volontiers du souci des retransmissions; elle est propriétaire de la « Salle d’or» (Goldener Saal) que Wilhelm Furtwängler désignait, en même temps que la grande salle du Concertgebouw d’Amsterdam, le Teatro Colón de Buenos Aires, l’Opéra de Naples et la salle de concert de Göteborg, comme la salle possédant une acoustique idéale. La Deutsche Grammophon Gesellschaft profita de l’occasion pour enregistrer le résultat de cette mémorable soirée et proposer à la dilection du public une série d’œuvres orchestrales de Hugo Wolf, sortant du répertoire ordinaire, servies par l’interprétation idéaliste de solistes, chef, chœur et orchestre. Le haut niveau de cette soirée eut un premier résultat: hâter la publication des œuvres de ce concert dans le cadre de l’édition complète. C’est ainsi que la musicologie bénéficia de l’aide de l’organisateur de concert et de celle de la Deut¬sche Grammophon Gesellschaft. Un résultat que l’on voudrait souhaiter aux festivals du monde entier et aux autres éditions com¬plètes en cours de réalisation.
La « Sérénade italienne » pour petit orchestre est dans son ensemble de la main de Hugo Wolf; elle est l’arrangement d’une « Sérénade » pour quatuor a cordes composée en mai 1887. (Le. compositeur ajouta lui-même l’adjectif « italienne ».) Wolf travailla â l’orchestration durant les mois d’avril et de mai 1892 alors qu’il résidait dans le Köchertsches Landhaus de Döbling (aujourd’hui Billrothstrasse 68). II voulait écrire une œuvre comportant plusieurs mouvements et dont le premier devait être la présente œuvre; les autres mouvements sont restés à l’état d’esquisses. La le édition, nullement exempte d’erreurs, parue à Leipzig en 1903, désignait comme auteur de l’arrangement l’éditeur Max Reger; à propos de la « Sérénade italienne » cela fut durant de longues années source de malentendus. L’intervention fondamentale de Reger dans la partition résidait dans la prise en considération de l’annotation ultérieure de Wolf dans l’orchestration du solo: « Doit constamment être joué, non par le cor anglais, mais par un violon-alto solo. »
Les «• Chants du harpiste», extraits du «Wilhelm Meister» de Goethe, furent composés pour baryton et piano à Vienne les 27, 29 et 30 octobre de la célèbre année 1888 des Lieder de Wolf (sur des textes de Mörike, Eichendorff et Goethe) — et orchestrés les 2 et 4 décembre 1890 durant la composition de la seule œuvre de commande réalisée par Wolf: la musique de scène pour « La fête à Solhaug » d’Ibsen, montée au Burgtheater de Vienne. Au comble de sa joie, Hugo Wolf écrit a sa mère: «… c’était la plus féconde, donc la plus heureuse des années de ma vie. Cette année-là je ne composai . . . pas moins de 92 Lieder et Ballades; tous me réus-sirent. Je pense pouvoir être satisfait de l’année 1888. »
Mignon (« Connais-tu le pays? ») fut écrit dans l’ancienne banlieue de Döbling. Le compositeur égara la le version de l’instrumentation, on la croyait perdue; elle fut retrouvée plus tard par la Société Hugo Wolf de Vienne, l’ancêtre de l’actuelle Société Inter¬nationale Hugo Wolf. La date de sa composition est le 17 décembre 1888, celle de son instrumentation l’année 1890.
«• Le Cavalier de Feu > d’après Mörike dans sa version pour soliste et piano fut composé à Unterach, le 10 octobre 1888. Une lettre à son ami et bienfaiteur Friedrich Eckstein nous éclaire sur la situation matérielle et morale du compositeur inspiré: « Cher ami! En toute hâte. Envoyez-moi par retour 20 Gulden. La lettre ci-jointe de ma sœur justifiera, je l’espère, ma furieuse demande. Puisque je cours le danger de me présenter à mes chers amis, le nez et les oreilles gelées, je hâterai mon départ d’ici. Je désire finir ici la composition du < Cavalier de Feu > afin d’atteindre le chiffre 50. Oui, cher Ecksteinderl! Je me suis ces temps derniers assidûment consacré à Mörike [< gemörikelt >], notamment à des poèmes que vous adorerez. < Au sommeil >, < Nouvel amour > (tous deux le 4 octobre), < A l’année nouvelle > (5 octobre), < L’enfant Jésus endormi >, < Où trouverai-je une consolation?) (tous deux le 6 octobre). A présent je travaille sur < La semaine de Carême >, qui sera particulièrement magnifique. La composition de ces Lieder m’a véritablement bouleversée. Les larmes me vinrent assez souvent aux yeux. Ils dépassent en profondeur tous les autres de Mörike. Que Dieu m’accorde de réussir celui sur le «Cavalier de Feu>; ce n’est qu’après lui que sera la série des 50 ». Mais il n’en resta pas là. Le 9 octobre 1888 vit naître le « Chant de Weyla » et le 11 « A la Bien-Aimée ». En octobre et novembre 1892 Wolf termina la puissante version du « Cavalier de Feu » pour chœur et orchestre qui contribua, plus qu’aucune autre œuvre, à la diffusion de la renommée de Wolf au-delà des frontières étroites de l’Autriche.
Des Lieder de Mörike, Hugo Wolf, durant les années 1889—1891, en orchestra quatorze, la «Prière» le 4 septembre 1890, le « Nouvel Amour » et « Où trouverai-je une consolation? » les deux jours suivants. Ces trois chants sont ce que la personnalité créatrice du compositeur, au service du spirituel, nous a légué de plus précieux. «La prière», beaucoup chantée, déjà autrefois, est presque sans couleur en son début, elle se termine par la cantilène angélique du violon-solo; « Nouvel amour » et « Où trouverai-je une consolation? », moins chantes autrefois, développent leur sentiment religieux, immatériel, à partir de la connaissance du pécheur de son pardon. Lors des accords des instruments à vent sur les cris dramatiques : « Veilleur, la nuit est-elle bientôt écoulée? — Et qui me sauvera de la mort et du péché » on croit entendre le « Dies irae » du compositeur de Lieder. . . .
Le «• Prométhée » de Goethe prit naissance le 2 janvier 1889 sous forme d’un Lied pour piano; la version pour orchestre vint le 12 mars 1890. C’est ici que peut se placer le vers de Friedrich Nietzsche: « Oui! Je sais d’où je viens. Insatiable, tel la flamme je brille et me consume. Tout ce que je touche devient lumière, tout ce que je laisse, charbon; assurément, je suis flamme! » Frank Walker le plus important des biographes de Wolf décrit ainsi ses impressions au sujet du « Prométhée » : « La partition nous donne une image plus claire de la grandeur de la conception de Wolf que la version pour le piano. On sent dès les premières mesures de l’introduction orchestrale comment Prométhée se cabre avant de jeter son insolent mépris à la face de Zeus, dont la présence nous est révélée par les éclairs, le tonnerre et des grondements menaçants. Puis, par-dessus le déchaînement de l’orage, on entend la voix sarcastique de Prométhée. … A chaque nouvelle insolence de Prométhée répond la colère de Zeus sous forme de tonnerre et d’éclairs, jusqu’à ce que ces derniers ne soient plus que l’expression de l’impuissance du dieu face à la force impie de Prométhée. Là où il est question de la foi candide des hommes en la bonté divine, on entend les échos d’une noble douleur et compassion; lorsque résonne le poème du temps tout-puissant et du destin éternel, auxquels les dieux eux-mêmes sont soumis, la musique prend une grandeur et une dimension cosmiques. On entend encore la voix puissante et provocante de Prométhée lorsque des tourbillons aux cordes de l’orchestre menacent de l’anéantir. Magnifique dans sa dignité et intrépidité humaines, il est là afin de former une race d’hommes à son image, destinée à souffrir, pleurer et jouir comme lui » (extrait de « Hugo Wolf, a biography » par Frank ‘Walker, J. M. Dent & Sons, Ltd., London, 1951).
« Penthesilea » — poème symphonique pour grand orchestre, la seule grande œuvre pour orchestre de Hugo Wolf fut, d’après les •dires du compositeur lui-même, écrite durant sa période du « Sturm und Drang»; elle fut commencée en mai 1883 — deux mois auparavant, le 13 mars, le compositeur venait d’avoir 23 ans — et terminée durant l’été 1885. « Divisée en trois parties l’œuvre suit le contenu de la pièce du même nom de Kleist: < Départ des Amazones pour Troie > — < Le rêve de Penthésilée concernant la fête des rosés > — < Combats, passions, folie et exterminations >; L’action est la suivante: la reine des Amazones, Penthésilée, participe au combat pour la prise de Troie afin de pouvoir ramener dans sa patrie de Themiscyra une troupe de jeunes gens vaincus. Les rêves de Penthésilée concernant la fête des rosés sont liés à la personne d’Achille qu’elle espère vaincre. Mais elle-même est terrassée par Achille qui, sachant qu’une Amazone ne s’unit qu’à celui qu’elle vient de vaincre, fait croire à celle qui revient de son évanouissement qu’elle fut vainqueur. Penthésilée apprend la vérité. Dans un nouveau combat Achille veut se laisser vaincre afin de pouvoir suivre Penthésilée mais, marquée de tous les signes de la folie, la bien-aimée se précipite sur lui et le fait dévorer par ses chiens. Revenue de son délire, elle se donne la mort » (Hans Jancik). Les thèmes sont frappants et personnels, l’harmonie hardie, l’instrumentation n’est, à l’origine, filtrée par aucun raffinement de la routine (ici l’orchestre de Wolf rappelle les versions originales de Moussorgsky qu’un Rimsky-Korsakoff, et chez Wolf, un Ferdinand Loewe ont « adoucies » afin de les accomoder au goût du temps). La connaissance historique vient ajouter à la densité du vécu ceci: Wolf a construit un pont entre les poèmes symphoniques de Franz Liszt et ceux de Richard Strauss. La partition parut en 1903 et la première représentation, à titre posthume, eut lieu le 15 mars 1904 (Wolf mourait le 22 février 1903 dans les bras du gardien de son hôpital psychiatrique). Ce n’est qu’en 1937 que le musicologue viennois Robert Haas publia la version originale non abrégée, de laquelle est tirée la présente interprétation de « Penthésilée ».
Hugo Wolf, marqué par le destin, est devenu « le deuxième grand du Lied » après Schubert. « Que puis-je faire qu’on m’ait laissé? » se lamentait le jeune compositeur un jour — justement à l’époque de la naissance de « Penthésilée » ; « Richard Wagner ne m’a pas laissé d’espace, semblable à l’arbre puissant qui, par l’ombre de ses branches largement étendues asphyxie les jeunes pousses! » Richard Strauss et Hans Pfitzner, Gustav Mahler, longtemps son ami, ont sous-estime l’importance de Hugo Wolf. La mission historique de Wolf fut d’exceller dans la grandeur du détail. Il a pressenti ce que le 20e siècle a de tragique. Sa musique dans son principe même est de la musique d’avenir, et cet avenir, par le génie de Wolf, est depuis longtemps devenu un présent universel. Présenter ces traits dans l’élaboration du « Sturm und Drang », dans la musique vocale et orchestrale, dans la « Sérénade italienne », ne pas les livrer à cette expression dangereuse « Le Richard Wagner du Lied », justifier l’originalité et le développement personnel de cette œuvre — voilà quel était le sens de ce concert mémorable, voilà quel est le devoir esthétique et éthique de cet enregistrement, reflet fidèle de l’atmosphère de cette soirée.
Erik Werba
MIGNON
J. W. von Goethe
Kennst du das Land, wo die Zitronen blühn,
Im dunklen Laub die Goldorangen glühn,
Ein sanfter Wind vom blauen Himmel weht,
Die Myrte still und hoch der Lorbcer steht,
Kennst du es wohl?
Dahin! dahin
Mocht’ ich mit dir, o mein Geliebter, ziehn!
Kennst du das Haus? Auf Sâulen ruht sein Dach,
Es glänzt der Saal, es schimmert das Gemach,
Und Marmorbilder stehn und sehn mich an:
Was hat mân dir, du armes Kind, getan?
Kennst du es wohl?
Dahin! dahin
Möcht’ ich mit dir, o mein Beschützer, ziehn!
Kennst du den Berg und seinen Wolkensteg?
Das Maultier sucht im Nebel seinen Weg,
In Höhlen wohnt der Drachen alte Brut,
Es stürzt der Fels und über ihn die Flut,
Kennst du ihn wohl?
Dahin! dahin
Geht unser Weg; o Vater, lass uns ziehn!
MIGNON
J. W. von Goethe
Connais-tu le pays où fleurissent les citronniers,
Où, dans le sombre feuillage, brillent les oranges d’or,
Un vent léger souffle du ciel d’azur,
Le myrte discret, le laurier souverain y croissent,
Dis-moi, le connais-tu?
Là-bas, là-bas,
Je voudrais aller avec toi, mon bien-aimé!
Connais-tu la maison dont le toit repose sur des colonnes?
La salle resplendit, la chambre étincelle,
Les statues de marbre sont la qui me regardent:
Ma pauvre enfant, qu’a-t-on donc fait de toi?
Dis-moi, le connais-tu?
Là-bas, là-bas,
Je voudrais aller avec toi, mon défenseur!
Connais-tu la montagne te ses sentiers dans les nuées?
La mule y cherche son chemin à travers la brume,
La race des dragons y hante les cavernes,
Les rochers s’y écroulent, engloutis par les eaux,
Dis-moi, le connais-tu?
Là-bas, là-bas,
S’en va notre chemin, ô mon père, laisse-nous partir!
GEBET Eduard Mörike
Herr! schicke was du willt,
Ein Liebes oder Leides;
Ich bin vergnugt, dass beides
Aus deinen Hănden quillt.
Wollest mit Freuden und wollest.mil: Leiden
Midi nidit iiberschutten!
Doch in der Mitten
Liegt holdes Besdieiden.
NEUE LIEBE Eduard Mörike
Kann audi ein Mensdi des andern auf der Erde
Ganz, wie er mochte, sein?
— In langer Nadit bedadit’ idi mir’s, und musste sagen, nein!
So kann idi niemands heissen auf der Erde,
Und niemand ware mein?
— Aus Finsternissen hell in mir aufziickt ein Freudensdiein:
Sollt’ idi mit Gott nidit konnen sein,
So wie ich modite, mein und dein?
Was hielte midi, dass idi’s nidit heute werde?
Ein siisses Sdirecken geht durdi mein Gebein!
Mich wundert, dass es mir ein Wunder wollte sein,
Gott selbst zu eigen haben auf der Erde!
Wo FIND’ ICH TROST? Eduard Mörike
Eine Liebe kenn’ idi, die ist treu,
War getreu, solang idi sie gefunden,
Hat mit tiefem Seufzen immer neu,
Stets versohnlich, sidi mit mir verbunden.
Welcher einst mit himmlisdiem Gedulden
Bitter bittern Todestropfen trank,
Hing am Kreuz und büsste mein Vershulden,
Bis es in ein Meer von Gnade sank.
Und was ist’s nun, dass idi traurig bin,
Dass idi angstvoll midi am Boden winde?
Frage: »Hiiter, ist die Nadit bald hin?«
Und: »Was rettet mich von Tod und Sünde?«
Arges Herzel ja gesteh es nur,
Du hast wieder bose Lust empfunden;
Frommer Liebe, frommer Treue Spur,
Ach, das ist auf lange nun vergangen.
Ja, das ist’s auch, dass ich traurig bin,
Dass ich angstvoll mich am Boden winde!
Hüter, Hüter, ist die Nacht bald hin?
Und was rettet midi von Tod und Sünde?
HARFENSPIELER I /. W. von Goethe
Wer sich der Einsamkeit ergibt,
Ach! der ist bald allein;
Ein jeder lebt,-ein jeder liebt,
Und lässt ihn seiner Pein.
Ja! Lasst mich meiner Qual!
Und kann ich nur einmal
Recht einsam sein,
Dann bin ich nicht allein.
Es schleicht ein Liebender lauschend sădit,
Ob seine Freundin allein?
PRIERE Eduard Mörike
Seigneur, donne-moi a ton gré
Joies ou peines;
Je suis content car toutes deux
Sont le don venu de tes mains.
N’accable pas mon cœur
Sous un excès de joies ou de peines!
C’est entre ces deux extrêmes
Que réside l’humble bonheur.
NOUVEL AMOUR Eduard Mörike
L’Homme peut-il sur terre, comme ii le voudrait,
Entièrement appartenir k un autre?
— J’y ai réfléchi durant une longue nuit et ma réponse f ut, non!
Sur terre je suis à personne alors
Et personne ne serait mien?
Mais voici que des ténèbres s’élève un rayon de joie:
Ne puis-je être avec Dieu,
Comme je le voudrais, mien et sien?
Qu’est-ce que me retient de l’être des aujourd’hui?
Une douce frayeur traverse tous mes os!
II me semble étonnant qu’il me semble un miracle,
Je puisse posséder Dieu sur la terre.
Ou TROUVERAI-JE LA CONSOLATION?
Eduard Mörike
Je connais un amour fidèle,
Et qui le resta aussi longtemps que je le connus;
Avec de profonds gémissements, prompt au pardon,
Toujours uni à moi.
Celui qui jadis, avec une patience céleste,
But l’amer breuvage de mort,
Etait auspendu à la croix, pardonnant mes fautes,
Jusqu’à ce qu’elles furent engloutis dans une mer de grâces.
Pourquoi suis-je à présent si triste,
Pourquoi est-ce que je me tords plein d’inquiétude sur le sol?
Pourquoi ces questions: « Veilleur, la nuit touche-t-elle
bientôt à sa fin?
Et: « Que me sauvera de la mort et du péché? »
Cœur frivole avoue-le,
Tu viens â nouveau d’éprouver un mauvais désir;
Le chaste amour, la voie de la pieuse fidélité,
Hélas! s’en sont allés pour longtemps.
Oui, c’est pourquoi je suis triste
Et me tords plein d’inquiétude sur le sol!
Veilleur, veilleur, la nuit touche-t-elle bientôt â sa fin?
Et que me sauvera de la mort et du péché?
LE HARPISTE I /. W. von Goethe
Quiconque s’adonne à la solitude,
Hélas, a tôt fait d’être seul;
Chacun vit, aime,
Chacun le laisse i sa douleur.
Qui, laissez-moi a ma souffrance!
Et si je puis, pour une fois,
Etre bien solitaire,
Alors je ne serai pas seul.
Un amant se glisse, épiant sans bruit
Si son amie est seule.
So überschleicht bei Tag und Nacht
Mich Einsamen die Pein,
Mich Einsamen die Qual.
Ach werd ich erst einmal
Einsam im Grabe sein,
Da lässt sie mich allein!
HARFENSPIELER II J. W. von Goethe
An die Türen will ich schleidien,
Still und sittsam will ich stehn;
Fromme Hand wird Nahrung reichen,
Und ich werde weiter gehn.
Jeder wird sich glücklich scheinen,
Wenn mein Bild vor ihm erscheint;
Eine Träne wird er wemen,
Und ich weiss nicht, was er weint.
HARFENSPIELER III J. W, von Goethe
Wer nie sein Brot mit Tra’nen ass,
Wer nie die kummervollen Nächte
Auf seinem Bette weinend sass,
Der kennt euch nicht, ihr himmlischen Măchte!
Ihr fuhrt ins Leben uns hinein,
Ihr lasst den Armen schuldig werden,
Dann überlasst ihr ihn der Pein;
Denn alle Schuld racht sich auf Erden.
PROMETHEUS J. W. von Goethe
Bedecke deinen Hirnmel, Zeus,
Mit Wolkendunst
Und iibe, dem Knaben gleich,
Der Disteln kopft,
An Eichen dich und Bergeshohn;
Musst mir meine Erde
Doch lassen stehn
Und meine Hiitte, die du nicht gebaut,
Und meinen Herd,
Um dessen Glut
Du mich beneidest.
Ich kenne nichts Armeres
Unter der Sonn” als euch, Gotter!
Ihr nahret kümmerlich
Von Opfersteuern
Und Gebetshaueh
Eure Majestăt
Und darbtet, wären
Nicht Kinder und Bettler
Hoffnungsvolle Toren.
Da ich ein Kind war,
Nicht wusste, wo aus noch ein,
Kehrt” ich mein verirrtes Auge
Zur Sonne, als wenn driiber war’
Ein Ohr, zu horen meine Klage,
Ein Herz wie meins,
Sich des Bedrăngten zu erbarmen.
Wer half mir
Wider der Titanen Ubermut?
Wer rettete vom Tode mich,
Von Sklaverei?
Hast du nicht alles selbst vollendet,
Heilig gliih’end Herz?
Und gliihtest jung und gut,
Betrogen, Rettungsdank
Dem Schlafenden da droben?
C’est ainsi que, jour et nuit, glisse en moi,
Le solitaire, la douleur,
Le solitaire, la souffrance.
Ah! quand je serai un jour
Solitaire dans ma tombe,
Elle aussi me laissera seul!
LE HARPISTE II J. W. von Goethe
Je me glisserai de porte en porte,
Je m’y tiendrai humblement, en silence;
Une main pieuse me tendra à manger
Et j’irai plus loin.
Chacun se croira heureux
Quand j’apparaîtrai à ses yeux;
II versera une larme,
Et je ne saurai pas ce qu’il pleure.
LE HARPISTE III J. W. von Goethe
Celui qui n’a jamais mangé son pain trempe de larmes,
Celui qui n’est jamais reste assis, durant des nuits anxieuses
Sur sa couche en pleurant,
Maîtres du ciel, ne sait qui vous êtes!
Vous nous conduisez dans la vie,
Vous laissez le pauvre y devenir coupable,
Et le livrez alors à la souffrance;
Car toute faute se paie ici-bas.
PROMÉTHÉE
J. W. von Goethe
Couvre ton firmament, ô Zeus,
De nuées vaporeuses;
Essaie tes forces, tel l’enfant
Qui décapite les chardons,
Sur les chênes et sur les sommets des monts;
II te faudra pourtant
Laisser ma terre en paix,
De même que ma maison que tu n’as point bâtie,
Et aussi mon foyer
Pourvu de sa flamme
Qui excite ton envie.
Je ne connais rien de plus misérable
Sous le soleil que vous, ô dieux!
Vous nourrissez â grand’ peine
Vos majestés
De l’argent des offrandes,
Du souffle des prières;
Vous mourriez, si n’étaient
Les enfants et les mendiants,
Ces fous emplis d’espérance.
Lorsque j’étais enfant,
Ne sachant que faire, que penser,
J’élevai mes yeux égarés
Vers le soleil comme si, bien au-delà,
Une oreille pouvait entendre ma plainte,
Un cœur pareil au mien
Pouvait s’apitoyer sur ma détresse.
Qui m’aida dans ma lutte
Contre l’arrogance des titans?
Qui me délivra de la mort
Et de l’esclavage?
N’as-tu pas tout accompli par toi-même,
Toi mon cœur où brûle un feu sacré?
Et, jeune et pur,
Abuse, élevais-tu ce feu pour rendre grâces
A celui qui sommeille là-haut?
Ich dich ehren? Wofür?
Hast du die Schmerzen gelindert
Je des Beladenen?
Hast du die Tränen gestillet
Je des Geängsteten?
Hat nicht mich zum Manne geschmiedet
Die allmächtige Zeit
Und das ewige Schicksal,
Meine Herrn und deine?
Wähntest du etwa,
Ich sollte das Leben hassen,
In Wüsten fliehen,
Weil nicht alle
Blütenträume reiften?
Hier sitz’ ich, forme Menschen
Nach meinem Bilde,
Ein Geschlecht, das mir gleich sei,
Zu leiden, zu weinen,
Zu geniessen und zu freuen sich,
Und dein nicht zu achten,
Wie ich!
DER FEUERREITER Eduard Mörike
Sehet ihr am Fensterlein
Dort die rote Mütze wieder?
Nicht geheuer muss es sein,
Denn er geht schon auf und nieder.
Und auf einmal welch Gewühle
Bei der Brücke, nach dem Feld!
Horch! das Feuerglöcklein gellt:
Hinterm Berg,
Hinterm Berg
Brennt es in der Mühle!
Schaut, da sprengt er wütend schier
Durch das Tor, der Feuerreiter,
Auf dem rippendürren Tier,
Als auf ciner Feuerleiter!
Querfeldein! Durch Qualm und Schwüle
Rennt er schon und ist am Ort!
Drüben schallt es fort und fort:
Hinterm Berg,
Hinterm Berg
Brennt es in der Mühle!
Der so oft den roten Hahn
Meilenweit von fern gerochen,
Mit des heilgen Krcuzes Span
Freventlich die Glut besprochen —
Weh! dir grinst vom Dachgestühle
Dort der Fcind im Höllenschein.
Gnade Gott der Seele dein!
Hinterm Berg,
Hinterm Berg
Rast er in der Mühle!
Keine Stunde hielt es an,
Bis die Mühle borst in Trümmer;
Doch den kecken Reitersmann Sah man von der Stunde nimmer.
Volk und Wagen im Gewühle
Kehren heim von all dem Graus;
Auch das Glöcklein klinget aus:
Hinterm Berg,
Hinterm Berg
Brennt’s! —
Nach der Zeit ein Müller fand
Ein Gerippe samt der Mützen
Aufrecht an der Kellerwand
Auf der beinern Mähre sitzen:
Feuerreiter, wie so kühle
Reitest du in deinem Grab!
Husch! da fällt’s in Asche ab.
Ruhe wohl,
Ruhe wohl
Drunten in der Mühle!
Moi t’adorer? Pourquoi?
As-tu jamais apaisé les souffrances
De l’opprimé?
As-tu jamais tari le flot des larmes
Chez l’affligé?
Le temps tout-puissant
Et le destin éternel,
Mes maîtres et les tiens,
N’ont-ils pas forgé l’homme en moi?
Imaginais-tu par hasard
Que je prendrais la vie en haine
Et fuirais dans les déserts,
Parce que tous les rêves en fleurs
N’ont pas donne leurs fruits?
Me voici, façonnant des hommes
A mon image,
Race qui me sera pareille
Pour souffrir et pleurer,
Pour jouir et se réjouir,
Et pour te mépriser,
Comme moi!
LE CAVALIER DE FEU • Eduard Mörike
Voyez-vous â nouveau, là-bas, à travers la petite fenêtre
Le chapeau rouge?
L’endroit n’est pas rassurant
Car ii va de ci de la.
Et tout â coup quel tumulte
Près du pont, derrière le champ!
Ecoute! Le tocsin sonne:
Derrière la montagne,
Derrière la montagne
Brule le moulin!
Regarde le cavalier de feu,
Avec rage le voici enfonçant presque le portail,
Assis sur la bête décharnée
Comme sur une échelle de feu!
A travers champs! â travers fumée et chaleur,
Il accourt et est sur place!
Là-bas on continue de sonner:
Derrière la montagne,
Derrière la montagne
Brule le moulin!
Celui qui souvent sentait de loin
L’odeur du coq rouge,
Et qui conjurait, l’impie, le feu
Avec un morceau de la sainte croix •—
Malheur! Du haut des combles l’ennemi ricane
Entoure des flammes de l’enfer.
Que Dieu ait pitié de ton âme!
Derrière la montagne,
Derrière la montagne
II se déchaîne dans le moulin!
En moins d’une heure
Le moulin se transforma en ruines;
Mais on ne vit plus jamais
L’audacieux cavalier.
Foule et voitures reviennent
En désordre de ces lieux d’épouvante;
Le tocsin cesse lui aussi de résonner:
Derrière la montagne,
Derrière la montagne
Brûle! —
Quelque temps après un meunier trouva
Un squelette et un chapeau
Adossé contre le mur de la cave
Et debout sur les os de la rosse:
Cavalier de feu, avec quelle indifférence
Tu chevauchas vers ta tombe!
Soudain, tout tombe en cendres.
Repose en paix,
Repose en paix
Là-bas dans le moulin!
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